Les «Contes galants» de Cawian – L’Echo 15 mars 2002

Les «Contes galants» de Cawian

Ils marchent côte à côte, disons même qu’ils se pavanent, vêtus de leurs plus beaux atours. Ils vont en groupe ou en couple, au rendez-vous d’une soirée mondaine ou d’une balade printanière teintée de galanterie, cette façon d’être tendre, courtoise et pleine de prévenance auprès des dames …
Ces personnages un peu désuets, un peu romantiques, nous sont proposés à la Galerie Saint-Jacques, par Cawian, artiste kurde d’origine irakienne né en 1951. Diplômé de l’Académie des Beaux Arts de Bagdad, il prend ensuite le chemin de Paris et l’Ecole nationale supérieure des Beaux Arts.
Il vit et travaille dans le sud de la France.
L’artiste, figuratif «ma non troppo», peint sur papier selon une technique mixte associant l’acrylique, l’encre de Chine, parfois même le collage, ce qui donne à ses œuvres un certain relief.
Sa façon de poser la couleur, de cerner le sujet, de susciter l’émotion n’est pas sans évoquer Braque, Matisse, voire un certain expressionnisme allemand axé sur «le processus de détérioration du rapport de l’homme et du monde extérieur» car ils ont un côté mélancolique et résigné, ces hommes, ces femmes arpentant le «Jardin du Luxembourg», ébauchant une «Romance» d’arlequin, tournant en rond dans «Le dancing» ou célébrant avec une certaine nostalgie «La fin du carnaval».
La fête n’a qu’un temps et quand les flonflons s’arrêtent, s’éteignent les lampions. On sent bien que les personnages s’apprêtent à ranger au placard chapeaux de fête et falbalas pour rejoindre la banalité du quotidien.
L’artiste les «met en page» sur fond de lumière avec un sens aigu de la composition.
Les formes sont simplifiées, les coloris vibrants et néanmoins retenus. Des sentiments apparemment contradictoires émanent de ces visages allongés dont on ne sait trop s’ils traduisent l’indifférence ou la complicité amoureuse.
Par ailleurs, Cawian excelle dans des natures mortes, groupant tout en nuances quelques objets qui prennent aussitôt valeur de témoignage, tels ces « Nature bleue», «Nature rouge», cadrées, sur table, selon un bel équilibre d’agencement.
Quelques paysages du Midi s’animent en , teintes ensoleillées autour d’une ville bâtie comme une mosaïque.
Cawian mène sa barque avec sensibilité et sérieux. Il n’a pas perdu un esprit et une manière de travailler orientaux. Nos racines nous lâchent rarement …

COLETTE BERTOT
L’Echo 15 mars 2002