Presse

Les «Contes galants» de Cawian

Ils marchent côte à côte, disons même qu’ils se pavanent, vêtus de leurs plus beaux atours. Ils vont en groupe ou en couple, au rendez-vous d’une soirée mondaine ou d’une balade printanière teintée de galanterie, cette façon d’être tendre, courtoise et pleine de prévenance auprès des dames …
Ces personnages un peu désuets, un peu romantiques, nous sont proposés à la Galerie Saint-Jacques, par Cawian, artiste kurde d’origine irakienne né en 1951. Diplômé de l’Académie des Beaux Arts de Bagdad, il prend ensuite le chemin de Paris et l’Ecole nationale supérieure des Beaux Arts.
Il vit et travaille dans le sud de la France.
L’artiste, figuratif «ma non troppo», peint sur papier selon une technique mixte associant l’acrylique, l’encre de Chine, parfois même le collage, ce qui donne à ses œuvres un certain relief.
Sa façon de poser la couleur, de cerner le sujet, de susciter l’émotion n’est pas sans évoquer Braque, Matisse, voire un certain expressionnisme allemand axé sur «le processus de détérioration du rapport de l’homme et du monde extérieur» car ils ont un côté mélancolique et résigné, ces hommes, ces femmes arpentant le «Jardin du Luxembourg», ébauchant une «Romance» d’arlequin, tournant en rond dans «Le dancing» ou célébrant avec une certaine nostalgie «La fin du carnaval».
La fête n’a qu’un temps et quand les flonflons s’arrêtent, s’éteignent les lampions. On sent bien que les personnages s’apprêtent à ranger au placard chapeaux de fête et falbalas pour rejoindre la banalité du quotidien.
L’artiste les «met en page» sur fond de lumière avec un sens aigu de la composition.
Les formes sont simplifiées, les coloris vibrants et néanmoins retenus. Des sentiments apparemment contradictoires émanent de ces visages allongés dont on ne sait trop s’ils traduisent l’indifférence ou la complicité amoureuse.
Par ailleurs, Cawian excelle dans des natures mortes, groupant tout en nuances quelques objets qui prennent aussitôt valeur de témoignage, tels ces « Nature bleue», «Nature rouge», cadrées, sur table, selon un bel équilibre d’agencement.
Quelques paysages du Midi s’animent en , teintes ensoleillées autour d’une ville bâtie comme une mosaïque.
Cawian mène sa barque avec sensibilité et sérieux. Il n’a pas perdu un esprit et une manière de travailler orientaux. Nos racines nous lâchent rarement …

COLETTE BERTOT
L’Echo 15 mars 2002

Cawian Un art bien intentionné

Cawian est le peintre d’un univers paisible, qui fait une place privilégiée au couple et au problème de la vie à deux. La femme, en voie de libération, se veut êt se sent égale à son compagnon. Voilà pour le décor psychologique.
Né en 1951 au Kurdistan d’Irak et formé à l’Académie des Beaux Arts de l’Université de Bagdad, il est aussi diplômé de l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Paris. D’origine orientale, l’artiste a assimilé une longue tradition de classicisme occidental, et sa peinture prône le rapprochement entre les êtres.
Il a réalisé des paysages, des natures mortes et des personnages, où l’on trouve les traces évidentes des coloris de Matisse et de Juan Gris.
Le thème de la pomme est fréquent dans bon nombre de ses œuvres, et souvent les critiques y ont vu un symbole de féminité, qui emplit d’une vie mouvante les corsages. Les femmes, chez lui, portent des chapeaux, ce qui évoque un vague souvenir des personnages de Kirchner. Ce qui est le plus remarquable, dans cette démarche que ne trouble aucune agitation, c’est la variété du coloris, très sonore, mais jamais agressif. Il entoure ses couples et ses personnages solitaires d’une amicale complaisance, donnant aux vêtements une importance considérable, qui va parfois jusqu’à négliger l’être humain sous des tissus aux tons vifs, nourris parfois même de collages d’une vivacité soudaine, et captant l’intérêt du spectateur qui, distrait de la nudité d’un couple, va l’oublier au profit du kaléidoscope qui l’interpelle.
Rares sont les œuvres où le dessin, cependant habile, s’applique à exprimer un sentiment. Perplexité, attente, tristesse ou plaisir de se perdre dans un climat où les différences se noient dans une composition, où les racines orientales et les révélations de l’Occident font excellent mariage. Le désir sincère de rapprocher les êtres, dans un élan à la fois confiant et inquiet, donne à cette œuvre, très remarquable dans son unité, une chaleur humaine très communicative.

Stéphane Rey

L’ECHO – vendredi 8 octobre

Ferdinand Pire
… Ferdinand

Après sa récente et émouvante exposition rétrospective à l’Abbaye de Forest, il y a quelques mois, le peintre Ferdinand Pire Ferdinand se trouve accueilli aujourd’hui au Grand Sablon, dans la petite mais très attentive galerie Saint-Jacques, toujours prête à prendre le Vent.
Ferdinand Pire Ferdinand est né à Bruxelles en 1943 et sa carrière s’y est affirmée, malgré plusieurs longs séjours à l’étranger, avec beaucoup de tact, de sérieux et de sensibilité. Il s’est installé à Bruxelles dans un logis-résidence-atelier-caverne d’Ali Baba, lieu magique où il faut marcher des kilomètres pour passer de l’avant à l’arrière et d’un étage à l’autre.
Il était à la pointe du combat et du succès, et voilà un beau jour, il entre dans le silence, prend de bonnes et longues vacances en Espagne, gardant néanmoins de fidèles contacts avec ses amis belges. Aussi continua-t-on à commenter son œuvre, et notamment son adhésion à la peinture sous verre, qui fit la renommée de Floris Jespers, dont il assura miraculeusement la continuité fidèle et passe respectueuse. Cette technique difficile, que l’on désigne sous le nom d’«églomisé», où aucune correction n’est possible puisque la première touche est aussi la dernière pour le motif qu’elle est dessous le verre, et que c’est à travers celui-ci qu’on la perçoit. Un risque constant de mal faire exige une grande tension de la part de l’artiste qui doit aussi bien mesurer son coup, si l’on peut dire. A l’abri de cette protection transparente, le créateur fait naître, hors des couches de peinture superposées, une magie infinie d’or, de bleus graves, de beiges rosés, de verts et d’argent.
On pourra constater, dans ses œuvres récentes, une présence importante de peintures à l’huile, rendues très lisibles par la sérénité du camaïeu gris ou beige, où le dessin apparaît avec une acuité étonnante. Élégance du geste, audace dans l’ordonnance des personnages. «L’amazone», «le mouvement perpétuel», «la chorégraphie» s’entourent d’une ambiance délicate et paisible, tandis que les églomisés plus stylisés, scintillants, évoquent en des tons de cobalt «la vie de l’artiste» ou «la femme très belle». On sera sensible à cette peinture d’une grande finesse et d’une sensualité amicale, dont le coloris est à la fois secret et apaisant.
L’artiste, qui partage son temps entre Bruxelles et Malaga, commence à signer simplement «Pire» ses œuvres récentes, et semble décidé à déposer au vestiaire ses ailes «Ferdinand». Son exposition actuelle, qui groupe des œuvres choisies avec beaucoup de discernement, est une rassurante démonstration de sobriété, de subtilité et de discrétion. On s’avise de la place qu’il occupe.

L’ECHO 22-5-98